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Tinariwen : interview d’Abdallah Ag Alhousseyni
Notre série de vidéo en tamasheq, la langue des Touaregs, accorde une large place à la musique, avec une série de chansons interprétées par Moussa Ag Keyna, du groupe Toumast. Dans la vidéo qui suit, c’est Abdallah Ag Alhousseyni, du groupe Tinariwen, qui parle, en tamasheq, de son rapport à sa langue et de la façon dont il a appris l’écriture tifinagh.
C’est dans les années 80 que nait le groupe Tinariwen, de façon informelle, dans la région située entre les oasis de Tessalit au Mali et de Tamanrasset en Algérie. Militants de la cause touarègue, ils passent plusieurs années dans un camp d’entraînement en Libye avant que n’éclate la rébellion touarègue à la fin de la décennie. La signature des accords de paix en 1994 ne freine pas leur engagement, et ils deviennent les porte-parole d’une population qui voit sa culture se transformer, ses ressources diminuer et ses jeunes émigrer.
Tinariwen (qui signifie déserts, pluriel de ténéré) est aujourd’hui un groupe mondialement connu, qui se produit sur toutes les scènes les plus prestigieuses de la planète, comme les Eurockéennes de Belfort en France, Glastonbury en Angleterre, ou Coachella aux Etats-Unis.
Leur 5ème album vient de sortir ce 29 août 2011. Il est intitulé Tassili, du nom de la région du sud est Algérien, où il a été enregistré. C’est en effet en plein désert, autour du feu sous une tente mauritanienne, que les musiciens du groupe se sont retrouvés en novembre et décembre 2010 pour élaborer ce nouvel opus!
Sur le fond, on peut toujours qualifier la musique assouf (solitude, nostalgie en tamasheq) de ce nouvel album de « blues touareg », une synthèse entre le blues, le rock et la musique traditionnelle touarègue. Mais sur la forme, il s’agit cette fois d’un album acoustique, où les membres du groupe ont été rejoints par quelques stars américaines, en l’occurrence Kyp Malone (guitariste du groupe TV On The Radio) et Nels Cline (guitariste de Wilco) ainsi que le Dirty Dozen Brass Band.
Pour tout savoir sur le groupe Tinariwen
Pour entendre la chronique de Daniel Varrod (France Inter, 1er septembre 2011) sur Tinariwen
Image et son : Arnaud Contreras
Traduction : Moussa Ag Keyna
Montage : Caroline Laurent
Pour rappel : le tamasheq (ou tamajeq ou tamaheq, des dérivés du mot tamazight), est parlé par les Touaregs, un peuple nomade que l’on trouve dans des régions désertiques d’Afrique du Nord depuis des millénaires, sur une vaste zone qui va du Mali à la Libye et du Burkina Faso à l’Algérie en passant par le Niger. On compte environ 1 million de locuteurs de tamasheq.
Tout comme le kabyle, le chaoui ou le rifain, le tamasheq est en fait une des variantes du berbère (ou tamazight), un groupe de langues présentes dans toute l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Niger, Mauritanie, Mali et Burkina-Faso), sans compter une importante diaspora en Europe et en Amérique. Au total, on estime à plus 45 millions le nombre de berbérophones.
Une des particularités de la langue berbère est son écriture. Un alphabet, appelé tifinagh, existe en effet depuis le premier millénaire avant l’ère chrétienne, et malgré sa quasi-disparition dans le nord où il a été supplanté par les alphabets latin et arabe, il n’a jamais cessé d’être utilisé par les Touaregs. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, une version moderne, d’abord lancée par l’Académie Berbère, puis modifiée par des linguistes pour un faire un standard applicable à tous les parlers, est, à l’heure actuelle, largement utilisée dans le nord, et même officialisée au Maroc à partir de 2001. Cet alphabet, que l’on désigne sous le nom de néo-tifinagh, bien que suscitant l’enthousiasme dans le nord, est, toutefois accueilli avec réticence par les Touaregs.