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Les langues en danger
Une hécatombe annoncée
Le nombre de langues parlées aujourd’hui dans le monde est estimé entre 6000 et 7000, mais la moitié d’entre elles mourra probablement au cours de ce siècle. Avec ces langues, ce sont des pans entiers des cultures de l’humanité qui risquent de disparaître.
La diversité linguistique au fil des siècles
Jusqu’aux grandes conquêtes de la fin du XVème siècle, la planète comptait une diversité linguistique bien plus importante qu’actuellement. Puis les vagues de colonisation et les maux qu’elles ont engendrés (massacres, déportations, maladies etc.), ont amorcé le processus d’appauvrissement culturel et linguistique.
Au cours des trois derniers siècles, des centaines de langues ont ainsi disparu de la surface du globe, mais c’est au XXème siècle que les choses se sont précipitées, et on s’attend à ce que le XXIème siècle soit le théâtre d’une hécatombe sans retour.
L’état des lieux aujourd’hui
La situation est à présent réellement dramatique, et quelques chiffres clé permettent de prendre la mesure de l’urgence :
- 500 langues sont parlées par moins de 100 locuteurs ;
- 96% des langues ne sont parlées que par 4 % de la population mondiale ;
- plus de 90 % des contenus d’Internet sont rédigés en seulement 12 langues ;
- d’après l’Unesco, une langue meurt en moyenne tous les quinze jours ;
- selon les scientifiques, 50 % des langues existantes pourraient ainsi mourir au cours de ce siècle.
Répartition actuelle des langues dans le monde
Près de la moitié des 6000 à 7000 langues encore parlées dans le monde est concentrée dans 6 Etats, qui comptabilisent chacun plus de 200 langues :
- Inde : environ 860
- Papouasie Nouvelle-Guinée : environ 860
- Indonésie : environ 700
- Nigéria : environ 510
- Cameroun : environ 280
- République du Congo : environ 215
Viennent ensuite 11 pays comptant entre 100 et 200 langues : l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, le Brésil, le Tchad, les Philippines, le Soudan, la Tanzanie, la Malaisie, le Népal et le Vanuatu.
Quelques exemples
➢ Australie
Jusqu’à l’arrivée des colons au XVIIIème siècle, environ 250 langues aborigènes étaient parlées en Australie. 100 d’entre elles ont aujourd’hui complètement disparu ; 140 sont parlées essentiellement par des personnes âgées ; et seules 12 sont encore très vivantes et parlées par des enfants.
➢ Amérique Latine
L’hécatombe des langues a été considérable après la colonisation du Mexique: 90% de la population indigène a alors disparu.
À l’époque précolombienne, il existait 1200 langues au Brésil. Il en reste aujourd’hui 170, la plupart d’entre elles en voie d’extinction. Près de la moitié de ces langues, situées dans des régions peu accessibles, n’ont pas encore été étudiées.
En Uruguay, la population indienne a entièrement disparu et aucune langue indienne indigène ne subsiste.
➢ Amérique du Nord
On y comptait environ 600 ou 700 langues avant l’arrivée des Européens. Au milieu du XXème siècle, il n’en restait plus que 213. Avec la généralisation de l’anglais comme langue de communication globale, ce chiffre n’a cessé de chuter depuis 50 ans et une seule de ces langues est aujourd’hui considérée comme n’étant pas menacée : le kalaallisut (langue inuit, de la famille des langues eskimo-aléoutes) au Groënland.
➢ Afrique
L’Afrique compte aujourd’hui environ 2000 langues, soit environ un tiers des langues du monde. Au moins 200 d’entre elles sont en train de mourir.
➢ Europe
On compte plus d’une quarantaine d’autre langues indo-européennes en danger.
La famille des langues celtiques (irlandais, écossais, gallois, cornique et breton) est le principal groupe de langues intégralement en danger au sein des langues indo-européennes.
Jusqu’en 1826, le breton était parlé par plus d’un million de personnes. Aujourd’hui il reste seulement 200 000 locuteurs qui ont pour la plupart plus de 60 ans. Le breton est classé par l’Unesco comme « langue sérieusement en danger ».
A ces langues s’ajoute la langue basque, qui n’appartient à aucune famille répertoriée.
Pour en savoir plus
Quelques livres sur les langues en danger
« Etre linguiste : de la documentation à l’engagement » Un article de la linguiste Colette Grinevald sur les linguistes de terrain