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Le tanema
Page réalisée en collaboration avec Alexandre François (LACITO-C.N.R.S.; Australian National University), 2011.
Données sur la langue tanema
Noms alternatifs : tetawo, tetau
Classification: Famille des langues austronésiennes, langues océaniennes, groupe utupua-vanikoro.
Aire géographique : Îles Salomon, Temotu, île de Vanikoro.
Il n’y a plus à proprement parler de communauté linguistique tanema, les derniers locuteurs étant dispersés parmi la population mélanésienne de Vanikoro. Selon le découpage traditionnel, le territoire tanema se situait jadis dans le sud de Banie, l’île principale.
Nombre de locuteurs : Selon Alexandre François (2009), il ne resterait aujourd’hui plus que 4 locuteurs de tanema.
Vitalité et transmission : le tanema est une langue moribonde. Elle n’est plus utilisée, ni transmise depuis plus générations. Seuls 4 locuteurs très âgés conservent des souvenirs de la langue. A moins d’un effort de revitalisation sans précédent, il est peu probable qu’elle survive à la prochaine décennie.
Le tanema, comme le lovono, a été supplanté par le teanu, qui est devenu la langue dominante parmi la population mélanésienne de Vanikoro.
Précisions historiques
Schématiquement, on considère que Vanikoro est peuplé par deux populations différentes : d’un côté la population mélanésienne, les premiers habitants de l’île ; et de l’autre la population polynésienne, locutrice de tikopien, ayant migré depuis Tikopia, une île situé à l’est de Vanikoro, et installée sur la côte sud de Banie depuis environ 300 ans..
Traditionnellement, la population mélanésienne se découpait en trois « chefferies » ou « tribus » distinctes, qui se rattachaient chacune à un territoire spécifique et possédaient chacune sa propre langue.
La population mélanésienne forme désormais une société « homogène » depuis que les missionnaires anglicans ont christianisé la région à la fin 19ème siècle. Cela n’a pas toujours été le cas, et les trois « chefferies » étaient probablement antagonistes. Les délimitations territoriales sont toujours présentes dans la mémoire des habitants de Vanikoro.
Le tanema a été très vivace jusqu’à la fin du 19ème siècle. Mais, suite à la christianisation et à la « pacification » de Vanikoro, les trois tribus mélanésiennes se sont fondues en une seule société et les intermariages se sont développés. Alors, comme dans d’autres îles de la région, c’est la langue de la population la plus nombreuse qui est devenue, au cours du 20ème siècle, la langue majoritaire de l’île ; à Vanikoro c’est le teanu qui a joué ce rôle.
Précisions linguistiques
Le teanu, le lovono et le tanema, sont trois langues parlées par la population mélanésienne (non polynésienne) de l’île de Vanikoro. Selon Alexandre François, ces trois langues présentent, de façon étonnante, à la fois une grande similarité grammaticale et une grande diversité dans leur vocabulaire. « Ainsi la “pirogue” se dit kuo en teanu, nawe en lovono, goi en tanema… » (François, 2008).
Selon le linguiste, ce phénomène est lié à l’évolution historique des trois groupes et à un contexte sociolinguistique soumis à deux dynamiques apparemment contradictoires : l’une est une tendance culturelle au particularisme, qui a poussé chacun des trois groupes historiques à cultiver leurs particularités linguistiques et à les préserver. L’autre est lié à la fois à l’origine commune des trois langues, ainsi qu’aux contacts incessants entre ces trois groupes. Leur coexistence sur un même territoire, et la faible distance qui les sépare, les ont menés à partager un grand nombre de traits grammaticaux, en vertu de dynamiques habituelles lors des contacts de langues.
Avec l’extinction future probable du lovono et du tanema, les dernières traces de cette situation sociolinguistique paradoxale sont condamnées à disparaître.
Sources
François, Alexandre (2009), « The languages of Vanikoro: Three lexicons and one grammar« , in Evans, Bethwyn, Discovering history through language: Papers in honour of Malcolm Ross, Pacific Linguistics 605, Canberra: Australian National University, pp. 103–126.
François, Alexandre (2008), « Mystère des langues, magie des légendes« , in Le mystère Lapérouse ou le rêve inachevé d’un roi, édité par l’Association Salomon. Paris : de Conti, Musée national de la Marine, pp. 230-233.
Lien complémentaire
Site personnel d’Alexandre François
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