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Le palikur
Page réalisée par Michel Launey, 2010.
Données sur la langue palikur
Noms alternatifs : pahikwaki, parikwaki
Classification : arawak
Aire :
Etat d’Amapá au Brésil (Région du Uaçá) et Guyane française (communes de Saint Georges de l’Oyapock, Macouria, Montsinéry, Matoury, Régina, Roura)
Nombre de locuteurs :
Entre 1200 et 1500 selon le linguiste Michel Launey
Note: En Guyane : 700 personnes selon F. et P. Grenand, dont 320 sur l’Oyapock et 380 ailleurs) ; un certain nombre de personnes se reconnaissant comme Palikur ont en fait pour langue maternelle le créole guyanais. – Au Brésil : entre 800 et 1 000 personnes (dans l’Amapa).
Statut de la langue :
Aucun statut officiel. Du côté français, répertoriée comme langue régionale (au sens de la Charte européenne) dans le rapport Cerquiglini (1999). Du côté brésilien, les Palikur vivent dans une zone indigène délimitée, administrée par la FUNAI (Fundação Nacional do Índio), et la langue est reconnue comme l’une des quelque 180 langues indigènes.
Vitalité et Transmission :
Transmission assez mauvaise, surtout du côté français où la langue a disparu au profit du créole guyanais dans les villages de Favard-Wayam (commune de Roura) et de Trois Palétuviers (commune de Saint Georges). Pour l’Unesco le palikur est en grand danger en Guyane, et vulnérable au Brésil.
Médias, diffusions, et enseignement:
Médias
En Guyane : quelques apparitions fugitives dans les médias (par exemple, dans une campagne pour la propreté) ; de 2000 à 2003 était diffusée une chronique radiophonique de 3 à 5 minutes hebdomadaires (Kannuhka), par Phil Labonté, sur RFO-Guyane.
Enseignement
Une certaine présence à l’école est assurée par le dispositif Intervenants en Langue Maternelle (ex-médiateurs bilingues), d’abord à Saint Georges depuis 2002, puis à Macouria depuis 2009. Au Brésil existe un système d’enseignement bilingue dans les petites classes, avec des instituteurs indigènes et des supports pédagogiques.
Editions:
– M. Launey « Awna parikwaki: introduction à la langue palikur de Guyane et de l’Amapa », IRD éditions 2003
– Antonio Felicio Inacio et Mauricienne Fortino: « Makawem: le roi des corbeaux à deux têtes », CRDP de Guyane 2005 (bilingue)
– Mauricienne Fortino et Michel Launey (coord.); « L’ancien et le Wahamwi / Estwa amekene gikak Wagamwi: récits palikur d’animaux fabuleux d’Amazonie », Paris, L’Harmattan 2008 (bilingue)
– « Le tigre, le singe et l’homme » (quadrilingue palikur/français/créole/portugais) L’Harmattan 2010.
Précisions historiques & ethnographiques
La province de Paricura est mentionnée pour la première fois par le voyageur Vicente Yanez Pinzon en 1513. Au XVIIe siècle, la Guyane (en cours de colonisation par la France) était le lieu d’un conflit territorial avec les Kali’na (Galibi). Après une chute démographique drastique (en 1926, l’anthropologue Kurt Nimuendaju recense 238 individus), on a pu assister à une remontée sensible dans le courant du XXe siècle, aboutissant à environ 1800 à 2000 personnes aujourd’hui (dont environ deux tiers de locuteurs de la langue).
La culture palikur traditionnelle présente l’essentiel des traits amazoniens (pêche, chasse, agriculture sur brûlis, chamanisme, artisanat de vannerie, riche tradition orale, etc.), avec la particularité d’un foyer originel situé dans une zone marécageuse. Cette tradition est fortement altérée de nos jours par les formes modernes de l’économie, par l’insertion difficile des Palikur dans les formes nouvelles de travail et d’habitat, et par une très forte emprise des églises protestantes venues des Etats-Unis à travers le Brésil (particulièrement évangélistes et adventistes)
Précisions sociolinguistiques
La société traditionnelle est divisée en clans exogamiques, qui ont adopté des patronymes récents (Labonté, Batista, Martin, Yapara, Yoyo…), mais le principe d’exogamie n’est plus guère respecté. Il est possible que certaines variantes lexicales soient claniques.
Il n’y a plus de monolingues palikur. En Guyane, la norme est un bilinguisme palikur-créole, au Brésil palikur-portugais. En Guyane au moins, les trilingues (palikur-créole-français) et même les quadrilingues (avec le portugais) ne sont pas rares.
En Guyane il semble que le créole soit plus couramment utilisé en famille (mais on manque de données fiables). L’une des forces de l’implantation protestante est l’utilisation du palikur dans les prêches.
Précisions linguistiques
Le palikur présente certains traits courants dans la famille arawak, comme un genre grammatical (masculin – féminin – neutre) qui n’est pas sans analogies avec celui des langues indo-européennes (à noter que contrairement à ce qui se passe dans les langues européennes, le féminin est non-marqué s’il y a une combinaison explicite masculin-féminin : on dit Pierre et Marie, elles…) ; mais il a aussi innové (peut-être sous l’influence des langues caribes ou tupi-guarani) en scindant en trois la 1ère personne du pluriel (duel ou général : toi et moi, on ; inclusif pluriel : vous et moi ; exclusif : moi et un autre ou d’autres mais pas toi).
Le système verbal n’a pas de temps au sens strict, mais présente plusieurs formes d’aspect et de mode (être en train de…, être sur le point de…, avoir l’intention de…, sembler…, avoir failli…). Le verbe marque par des suffixes l’objet, mais non le sujet qui doit apparaître sous la forme d’un groupe nominal ou d’un pronom autonome (cette affixation du seul objet et non de est linguistiquement très rare : la norme est l’affixation des deux, ou du seul sujet). Le complément du nom est marqué par un préfixe possessif.
Il existe un système de classificateurs numéraux reposant sur la forme (animés masculins, animés féminins, objets plus ou moins cubiques ou sphériques, cylindriques, plats, concaves, linéaires, arborescents, irréguliers, abstraits…), qui a un parallèle dans des suffixes verbaux (laver l’intérieur, la surface, la pointe de quelque chose). Les relations spatiales sont marquées de façon très différenciées : il y a plusieurs façons de traduire des prépositions françaises sur (sur une surface plane, une branche, un fil, une pointe, une route ou une rivière…) ou dans (dans un espace clos, un liquide, des broussailles, des frondaisons, un milieu granuleux ou pâteux…).
Sources et bibliographie complémentaire :
NIMUENDAJU Kurt : « Die Palikur Indianer und ihre Nachbarn » Cahiers de l’Université Royale de Göteborg 31, 1926.
LAUNEY Michel : Awna parikwaki : introduction à la langue palikur de Guyane et de l’Amapa, Paris, IRD-Editions 2003.
LAUNEY Michel : article « palikur », in L. Goury et O. Lescure (ed.) Langues de Guyane, p. 56-65, Ed. Vents d’ailleurs – IRD, 2009.
GRENAND Françoise (dir.) Encyclopédies palikur, wayana et wayãpi, fasc. 0 : langue, milieu et histoire, Presses Universitaires d’Orléans 2009
FORTINO Mauricienne et FELICIO INACIO Antonio Makawem : le roi des corbeaux à deux têtes. Cayenne : CRDP de Guyane 2005
FORTINO Mauricienne et LAUNEY Michel (dir.) : L’ancien et le Wahamwi / Estwa amekene gikak Wagamwi, : récits palikur d’animaux fabuleux d’Amazonie, Ed. L’Harmattan, Paris 2008
FORTINO Mauricienne, BATISTA Alexandre et al. : Le tigre, le singe et l’homme, Kawokwine akak wakukwa gikak awayg (conte quadrilingue palikur – français – créole guyanais – portugais), Ed. L’Harmattan, Paris 2009
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