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Le maya yukateko
Page réalisée par : Jhonnatan Rangel, Université de Rouen (Département des Sciences du Langage et de la Communication)
Données sur le maya yukateko
Noms alternatifs :
Maya yucateco, yucateco, maya yucatèque ou maya peninsulaire. Les locuteurs emploient le nom générique « la maya » pour cette langue. Toutefois, on peut trouver aussi les dénominations maaya t’aan, maayáa ou maaya parmi les locuteurs de cette langue.
Classification :
Le maya yukateko est une langue de la famille des langues mayas. D’après diverses classifications il y a un sous-groupe appelé yucateco ou yucateco-lacandon.
Principaux dialectes :
Le maya yukateko est une langue très homogène. Les variations de cette langue sont minimales et on ne peut proprement parler de dialectes. Il y a plutôt de différences dans l’usage de quelques mots sans que cela soit significatif pour les locuteurs. Cependant, certains chercheurs affirment qu’il y a des différences significatives entre le maya du Yucatán et celui du Quintana Roo. On peut donc dire, au moins théoriquement, qu’il peut y avoir deux variétés d’une même langue. Les défenseurs de cette thèse affirment que le maya parlé au Quintana Roo est le proto-maya (langue mère) et que celui parlé au Yucatán est une variété de cette langue souche. Certains linguistes et locuteurs appellent ce dialecte le « Jach maya », c’est-à-dire le vrai maya. Par ailleurs, le maya dit « corrompu » ou impur est connu comme le Xe’ek’.
Aire géographique :
Cette langue est parlée principalement dans les Etats du Yucatán, Campeche et Quintana Roo au Mexique. Toutefois, on trouve aussi de locuteurs en moindre mesure au Belize. Dans ce pays, le maya est parlé à San Antonio, Sucoths, Orange Walk et à la frontière avec le Mexique.
Nombre de locuteurs :
D’après le SIL il y a 5000 locuteurs au Belize et 700 000 au Mexique. D’après l’institut National de Langues Indigènes (INALI), il y a 758 310 locuteurs au Mexique. Le Yucatan concentre le plus grand nombre de locuteurs de cette langue. D’après le recensement du 2000, on trouve 549 532 locuteurs du maya au Yucatán. Ce chiffre représente le 37.3 % de la population totale de cet Etat.
Statut de la langue :
Le statut des langues au Mexique est assez ambivalent. Grosso modo, on peut dire qu’il n’y pas de langue officielle de jure, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun document légal manifestant l’officialité d’une langue. Cependant, toutes les langues endogènes sont des langues nationales d’après l’article 4 de La Loi Générale sur les Droits Linguistiques des Peuples Indigènes. D’après cette loi, elles ont la même valeur sur leur territoire, lieu et contexte dans lesquels elles sont parlées. Les langues nationales peuvent ainsi être utilisées dans tous les domaines, privés ou publics dans le pays. Toutefois, on constate que l’espagnol continue à être largement la langue de la justice et de la communication dans la vie nationale. On peut donc dire que le concept de langue nationale est assez flou et pourrait se rapprocher à celle de langue officielle selon le contexte.
Le maya yukateko a donc un statut de langue nationale lors de la modification de l’article 2 de la Constitution en 2001 et de la reconnaissance officielle des langues indigènes en 2003. Malgré cette officialité de jure, le maya yucateco demeure une langue vernaculaire principalement à tradition orale. Dans le Yucatan, le maya est une langue d’enseignement dans quelques municipalités. Cependant, l’éducation bilingue existe uniquement durant les premières années de scolarisation. Par la suite, la langue d’éducation exclusive demeure l’espagnol. Cette situation force l’abandon de la langue maternelle au profit de l’espagnol. Malgré ces contraintes, cette langue est encore très utilisée dans la région et on peut même trouver des émissions de télévision et de radio entière ou partiellement en maya.
Au Belize, le maya n’a aucun statut officiel. On ne trouve pas de législation au sujet des langues. Les trois langues les plus répandues dans les pays sont le créole bélizien (de base anglaise), l’espagnol et l’anglais. L’anglais demeure la langue de la communication et de l’administration bien que l’espagnol concentre le plus grand nombre de locuteurs dans le pays. Dans ce contexte, le yukateko est une langue vernaculaire à tradition orale parlée par une minorité.
Vitalité et Transmission :
Au Mexique, cette langue est encore utilisée quotidiennement dans certaines régions et villages. D’après l’INALI la vitalité de cette langue est très bonne par rapport aux autres langues indigènes du pays. C’est au Yucatan, où se trouve le plus grand nombre de locuteur, que la langue est la plus utilisé. Cependant, il faut signaler que malgré l’important nombre de locuteurs pour une langue amérindienne, le maya est une langue principalement utilisée dans les villages et en milieu rural, tandis que l’espagnol est la langue dominante dans les centres urbains. Dans les villes, l’abandon de la langue est manifeste. D’après l’INEGI, en 1990 les locuteurs du maya représentaient le 44.2 % de la population totale du Yucatan. En 2000, ce chiffre a atteint le 37.3% de la population totale. On constate une diminution du 6.9% du nombre de locuteurs. Toutefois, cette diminution n’est pas assez significative pour dire que cette langue est menacée dans le futur proche.
L’âge moyen des locuteurs est un autre facteur à considérer pour déterminer la vitalité d’une langue. D’après le recensement du 2000 au Yucatan, 7.4% des locuteurs du yukateko avaient moins de 5 ans. Ce chiffre nous montre que cette langue est encore utilisée dans le contexte familial. Toutefois, ces jeunes locuteurs pourraient abandonner cette langue s’ils ne peuvent pas suivre leur scolarité dans leur langue maternelle. D’autre part, les locuteurs de plus de 60 ans représentent 4.8 %. Ce chiffre montre que malgré le pourcentage élevé d’enfants qui parlent maya, il y a aussi un nombre considérable de personnes âgées; il y a évidement un écart dans l’âge des locuteurs du yukateko dans la région.
Au Belize l’anglais demeure la langue d’enseignement dans les écoles. Dans ce contexte, les locuteurs du yukateko n’ont aucune opportunité de suivre des cours dans leur langue maternelle. Cette situation pourrait condamner le maya à l’abandon au profit de l’anglais au cours des prochaines années. La transmission de cette langue n’est pas assurée dans le futur proche.
Médias , Littérature et Enseignement :
La littérature en maya yukateko existe au Yucatan mais elle est assez rare dans le reste du pays. On peut trouver principalement des contes, poèmes et des fables. D’ailleurs, la littérature scientifique, juridique et universitaire est presqu’inexistante dans cette langue.
Le maya yukateko est présent dans les médias locaux au Mexique. On peut trouver des émissions de radio et télévision dans cette langue. Au Yucatan, il y a même un journal télévisé intégralement en yukateko, deux fois par jours. Cependant, Il faut préciser que la présence du yukateko dans les médias tend à se réduire. Internet a favorisé énormément l’usage de cette langue. A cet égard, il est possible de trouver des sites internet contenant information en yukateko. Un de ces sites appartient au gouvernement du Yucatan et on peut y trouver des chansons, contes, fables, un blog et même un chat où il est possible de pratiquer le yukateko. De même, le yukateko est présent dans les médias sociaux comme Twitter ou Facebook. Toutefois, il faut signaler que c’est principalement le fait de militants essayant de promouvoir cette langue plutôt que de l’ensemble des locuteurs de cette langue. La majorité des locuteurs ne se sert pas du yukateko sur internet
L’enseignement formel de cette langue a progressé depuis la création d’un alphabet yukateko en 1984. Cet alphabet est reconnu et utilisé pour la production de cours et de littérature. C’est grâce à cette action sur la langue qu’on peut trouver des académies (financées par le gouvernement mexicain) et des cours donnés pour l’UNAM (Universidad Nacional Autónoma de México). Malgré ces efforts, l’enseignement du yukateko continue à être assez limité par rapport aux autres langues. Cette situation est due la plupart du temps au manque de ressources financières et pédagogiques.
Précisions sociolinguistiques
Les locuteurs du maya yukateko entretiennent des liens sociaux et économiques avec le reste de la population hispanophone. C’est ainsi que les mayaphones sont obligés de parler l’espagnol dans les centres urbains pour avoir accès aux services. Cette situation est la responsable (directe ou indirectement) de l’abandon du yukateko au profit de l’espagnol. Des les communautés rurales, plus isolées, la communication quotidienne a lieu en yukateko. Ce phénomène est assez commun au Yucatan où le nombre de locuteurs est très significatif. Malgré cela, à l’échelle du pays, l’usage du yukateko est plutôt confiné au cercle familial et au situations informelles. Toutefois, il semble que l’attitude des mayaphones vis-à-vis leur langue est moins négative que les autres locuteurs des langues indigènes du pays. C’est grâce à ce phénomène que le yukateko continue à être très parlé au Yucatan.
La langue est absente des autres domaines de la vie sociale. La scolarisation en yukateko est inexistante après les premières années. Les enfants sont donc obligés à maîtriser l’espagnol pour continuer leurs études. Les universités offrent des cours en yukateko, mais aucun diplôme ne valide de formation dans cette langue. Les enfants sont contraints de devenir bilingues pour intégrer la vie scolaire et économique du pays.
L’espagnol parlé au Yucatan incorpore beaucoup de mots en yukateko. Il est très commun que les hispanophones monolingues utilisent des mots en yukateko sans s’en rendre compte. Il s’agit d’un phénomène massif d’emprunt en amont. Ce phénomène illustre parfaitement l’influence du yukateko dans la région. Cependant, il faut signaler que ces emprunts recouvrent uniquement certains domaines ou contextes comme la cuisine, les parties du corps, la famille, etc.
Précisions linguistiques
Au niveau prosodique le maya yukateko est une langue à accent tonal. Les langues mayas partagent à la fois des propriétés des langues à accent, et des caractéristiques des langues a tons : Comme les langues à accent, les langues à accent tonal ont un accent distinctif, et un seul par mot. Dans le cas du yukateko, on peut trouver cet accent distinctif à niveau phonologique et lexical. Au niveau phonologique cette langue est caractérisée par de sons consonantiques sourds et par de consonantes glottalisées comme p’, t´ ou k’. En outre, le yukateko possède cinq voyelles simples (a, e, i, o et u), cinq voyelles longues, cinq voyelles longues hautes, cinq voyelles articulées et cinq voyelles dites réarticulées. Ces voyelles procèdent à des distinctions de longueur et de glottalisation. Il existe ainsi six variantes d’une voyelle et six diphtongues. Au niveau morphologique elle est constituée par des morphèmes monosyllabiques. On peut donc dire que le yukateko est une langue agglutinante par définition.
La syntaxe du maya yukateko est un cas très particulier car elle est assez synthétique par rapport aux autres langues indigènes. L’article et le genre sont absents dans cette langue. Les verbes peuvent être de noms ou le contraire.
En parlant de la grammaire, les constructions possessives en yukateko sont caractéristiques de cette langue. Les pronoms clitiques qui servent de pronoms possessifs se distinguent par les catégories de personne et nombre, mais ils ne varient selon aucune catégorie nominale comme genre ou cas. Cet à cause de ce phénomène qu’on dit que l’article et le genre est absent dans le yukateko. En outre, le type d’accord entre pronom possessif et nom déterminé qu’on connaît du français et de l’espagnol ne se trouve pas en cette langue.
Le systeme d’écriture utilisé pour représenter les sons du yukateko est l’alphabet latin. Il faut préciser qu’avant la conquête le yukateko avait un system d’écriture logo-syllabique. Malheureusement ce système n’est plus utilisé par les locuteurs de cette langue. Cette situation est due à que ce système d’écriture était réservé aux élites et il n’était pas maîtrisé par l’ensemble des locuteurs. Dans ce contexte, l’alphabet latin a facilité énormément l’écriture de cette langue de nos jours. La transcription en alphabet latin inspirée de l’espagnol a permis d’alphabétiser la population en yukateko au même temps qu’en espagnol. En outre, les sons de l’espagnol sont facilement adaptables à ceux du yukateko par le biais d’un même alphabet. C’est ainsi que la population ne doit pas apprendre deux alphabets pour utiliser deux langues. Cette situation simplifie en grande mesure la production de littérature en yukateko.
Quelques mots en maya yukateko
Chiich : grand-mère
Nool : grand-père
Yuum : père
Chokoj : chaud
Ke’el : froid
Mejen : petit(e)
Nojoch : grand(e)
Les chiffres :
1 – Jun
2 – Ka’a
3 – Óox
4 – Kan
5 – Jo’
6 – Wak
7 – U’uk
8 – Waxak
9 – Bolon
10 – Lajun
11- Buluk
12 – Lajka’aj
13 – Óoxlajun
14 – Kanlajun
15 – Jo’olajun
16 – Waaklajun
17 – U’uklajun
18 – Waxaklajun
19 – Bolonlajun
20 – Junk’áal
Pour utiliser les chiffres en maya yukateko il faut toujours ajouter des classificateurs numériques avant. Les 5 classificateurs numériques les plus utilisés par les locuteurs sont les suivants :
Tu’ul : pour personnes et pour les animaux
P’éel : pour les choses
Kúul : pour les plantes et les arbres
Wáal : pour les feuilles
Xéet : pour les morceaux
Quelques phrases utiles :
Ma’alob k’iin : Bonjour
Bix a k’aaba’ : Comment t’appelles-tu ?
Tu’ux kaaja’anech : Où habites-tu ?
Tsikbalten ba’axten taak a kanik maaya : Pourquoi veux-tu apprendre le yukateko (maya) ?
Ta’an in meyaj : Je travaille
Ta’an in xook : j’étudie (ou je lis selon le contexte)
Bibliographie et liens complémentaires
INALI (Instituto Nacional de Las Lenguas Indígenas) « Catalogo de las lenguas indígenas nacionales » [En ligne].
BRODY M. 2007 « Un panorama del estatus actual del maya yucateco escrito » dans Desacatos #23. México, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social, pp. 275-288 [En ligne].
ANDRADE M. J. 1955 « A grammar of modern Yucatec » dans Middle American Cultural Antropology 41, series 7 [En ligne].
GÜEMEZ P. M. A. 2008 « La lengua maya en el contexto sociolingüístico peninsular » dans Yucatán ante la Ley General de Derechos Lingüísticos de los Pueblos Indígenas. Edición INALI-Universidad de Oriente. México pp.115-148 [En ligne].
INEGI (Instituto Nacional de Estadística, Geografía e Informática) « La población indígena de Yucatán » [En ligne] (Consulté le 5 janvier 2011).
LEHMANN C. « Typologie d’une langue sans cas : le maya yucatèque » [En ligne].
PFEILER, B. 1999. « Situación sociolingüística ». Dans Atlas de Procesos Territoriales de Yucatán. México, D.F.:Ed. PROESA, Proyección Cartográfica. pp. 269-299 [En ligne].
Ethnologue.com : le maya yukateko
Jeux de société en maya yukateko
Quelques poèmes en maya yukateko
Apprendre le maya yukateko en ligne
Dictionnaire maya yukateko-espagnol en ligne
La Constitution Politique du Mexique en maya yukateko
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