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Les langues autochtones au Nouveau-Brunswick: un patrimoine menacé
Posté par Elise Miranda le 22 avril 2011
Par Elise Miranda, attachée culturelle au Consulat général de France dans les Provinces atlantiques.
Un bilinguisme officiel français-anglais
Le Nouveau-Brunswick, à l’est du Canada, est l’unique province officiellement bilingue du pays. En effet, le gouvernement provincial de Louis Robichaud a adopté dès 1969 la «Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick», directement inspirée de la loi fédérale du même nom, que le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau a fait voter à Ottawa la même année. La province est la seule du Canada à s’appliquer la norme fédérale bilingue. Ainsi, « Le Nouveau-Brunswick a sa propre loi sur les langues officielles, des systèmes scolaires francophone et anglophone parallèles et des lois garantissant un traitement égal du gouvernement à l’un et l’autre groupe ».
Présents à l’est du Canada actuel depuis le XVIIème siècle, les Acadiens ont connu une histoire mouvementée : massivement déportés du Nouveau-Brunswick par les troupes anglaises entre 1755 et 1763, ils sont revenus progressivement à la fin du XVIIIe siècle. Ils forment désormais un peuple de plus de 350 000 francophones et représentent 32,7 % de la population de la province, les deux tiers restants étant majoritairement anglophones.
Des langues autochtones menacées
Mais le Nouveau-Brunswick est également, et avant tout en réalité, la terre des tribus amérindiennes, au nombre de trois, toutes appartenant au groupe linguistique wabanaki de la famille des langues algonquines :
– les Micmacs, qui sont présents dans l’ensemble du Canada atlantique ainsi qu’au Québec, ont toujours formé l’ethnie autochtone dominante de la région ;
– les Malécites et les Passamaquoddys, présents au Québec, dans le Maine et dans l’ouest du Nouveau-Brunswick, le long du fleuve Saint-Jean pour les premiers, et sur les bords de la baie qui porte leur nom pour les seconds. Ces deux derniers peuples ne se seraient séparés qu’au XVIIIe siècle. Leurs langues et cultures, assez semblables, diffèrent nettement de celles des Micmacs.
Ainsi, le micmac est la troisième langue maternelle la plus importante de la province, mais ses locuteurs représentent seulement 0,4% de la population.
Des locuteurs vieillissants
Dans un rapport intitulé « Le droit à l’identité, à la culture et à la langue : une voie pour le développement de l’enfant », Bernard Richard, Ombudsman (défenseur de la jeunesse et des enfants) du Nouveau-Brunswick écrit « bien que les Néo-Brunswickois peuvent se vanter d’être experts dans le domaine des droits des minorités en matière de langues officielles ainsi que dans la préservation et la protection de ces droits, les données présentées ci-après montrent que notre effort pour préserver et faire la promotion des langues et cultures autochtones de cette partie du monde est un échec lamentable. »
Il précise ainsi que sur les 20 000 habitants de la nation micmaque, seulement un tiers a conservé l’usage de la langue, et que c’est une population vieillissante. Le nombre de néobrunswickois qui se disent de langue maternelle malécite a quant à lui diminué, passant de 860 en 2006 à 490 en 2011.
Dans un autre rapport intitulé « Main dans la main, le bien-être à l’enfance des Premières nations du Nouveau-Brunswick » (2010), le même Bernard Richard précise que jusqu’à 72% des enfants autochtones âgés de 6 à 14 ans ne peuvent ni parler, ni comprendre la langue de leurs grands-parents. Aujourd’hui, cette génération d’enfants est la dernière ayant un espoir d’être élevé dans une langue autochtone, et « de pouvoir partager un jour les contes et les chants de leur peuple avec les générations à venir ».
Une situation alarmante
Si la langue micmaque est toujours parlée dans les réserves de cette première nation, la langue malécite est quant à elle réellement en voie de disparition. Le passamaquoddy a sans doute déjà disparu ou au mieux s’est fondu dans le malécite dont il est fort proche. Il y a aujourd’hui dans le monde seulement 1500 locuteurs des deux dialectes combinés (malécite et passamaquoddy) et la majorité des locuteurs sont âgés. Cette langue est donc réellement en danger et le pire est à craindre si rien n’est mis en oeuvre pour restaurer son utilisation chez les enfants.
Du fait de l’isolement relatif des peuples autochtones, la population du Nouveau-Brunswick est peu informée de la situation. Une prise de conscience est en cours chez différentes acteurs et autorités de la région, mais il faudrait lancer dès à présent une véritable action de sensibilisation et de sauvegarde pour espérer préserver ces langues autochtones.