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L’écologie linguistique au Luxembourg
Posté par Sabine Ehrhart le 15 avril 2011
Sabine Ehrhart est Assistant-professeur en ethnolinguistique, Université du Luxembourg.
Qu’est-ce que l’écologie linguistique ?
Tout autant que l’écologie étudie le lien entre les éléments vivants dans un espace donné, l’écologie linguistique étudie le lien entre les langues, ou plutôt entre les personnes qui parlent certaines langues, à un endroit étudié.
Elle comporte ainsi une vision dynamique de la langue qui met l’homme et ses interactions sociales au centre. C’est un changement décisif par rapport à d’autres approches en sciences du langage qui avaient tendance à se concentrer sur les systèmes linguistiques et leur fonctionnement interne.
Plus récemment, l’écologie linguistique a trouvé une application dans l’environnement scolaire, et promet de mettre en place des solutions nouvelles pour les défis auxquels nous confronte l’actualité. Elle étudie en effet le lien entre les langues de l’école et celles de la société qui l’entoure, et peut dès lors proposer des orientations pour la politique éducative et l’aménagement linguistique qui donneront les meilleures chances au plus grand nombre d’élèves.
Le Luxembourg, l’un des pays européens les plus riches en langues
Le Luxembourg est l’un des pays européens les plus riches en langues, une diversité linguistique qui s‘explique par son emplacement au coeur du continent et une forte immigration au cours du XXème siècle.
Le pays a aussi cette particularité que les différentes langues qui y sont parlées ne sont pas réparties par zones géographiques mais qu’elles se côtoient de manière intense dans la vie de chaque individu, nous avons appellé ce phénomène multiplurilinguisme.
A l’école, un élève s’exprime d’abord en luxembourgeois dans les petites classes, puis est introduit l’allemand, au moment de son alphabétisation (vers 6 ans), et dans un troisième temps vient le français, à partir de l’âge de 8 ans.
A ces trois langues principales vient se greffer l’apprentissage de plusieurs langues vivantes étrangères : l’anglais, l’espagnol et parfois l’italien.
Enfin, il faut ajouter les langues d’origine des enfants issus de l’immigration, parlées au sein des familles de près de la moitié des élèves.
Le projet LACETS
C’est dans ce cadre qu’est né le projet de recherche LACETS (Langues en contact dans l’espace et dans le temps et leur impact sur le milieu scolaire) à l’université du Luxembourg, un projet qui adopte l’approche écolinguistique.
Lors de nos recherches, nous avons observé et analysé différents modèles de prise en compte de la diversité linguistique et culturelle à l’école :
– des cours de soutien en luxembourgeois,
– des cours parallèles en portugais aux heures d’école, pour les enfants issus de la très importante communauté d’origine portugaise (ils représentent 80% des élèves d’origine étrangère),
– des cours de soutien dans certaines langues des migrants en dehors du cadre de l’école,
– la valorisation globale de toutes les langues des élèves, sans se limiter aux langues officielles de scolarisation.
Nous avons suivi plusieurs classes au niveau préscolaire et primaire dans une étude sur quatre années, pour faire le constat étonnant que la prise en compte générale de toutes les langues apportées par les élèves a été plus bénéfique pour tous les participants et pour toutes les langues que le fait d’en appuyer juste une seule.
Cette prise en compte pouvait se passer de manière plutôt symbolique pour certaines langues, à quelques moments bien précis dans la vie de l’école, comme les salutations, ou par une chanson souhaitant bon appétit et joyeux anniversaire. Le fait que toutes les langues aient le droit de résonner dans le cadre de l’école a libéré les enfants, notamment pour l’apprentissage d’autres langues, comme les langues scolaires ou bien celles des collègues de classe.
Les évaluations détaillées des résultats sont encore en cours, notamment en ce qui concerne le développement des compétences dans chacune des langues (de famille et de scolarisation) et elles seront poursuivies dans le projet de recherche naturalink qui a débuté en avril 2011.